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histoire du vieux temps.

Quand je vins à la Cour j’étais sentimental ;
J’ouvris bientôt les yeux ; le réveil fut brutal
Par exemple. J’aimai, j’aimai la toute belle
Comtesse de Paulé. Je la croyais fidèle.
Je la surpris, un soir, aux bras d’un autre amant ;
J’en eus le cœur brisé, marquise, et sottement
Je la pleurai deux mois ! Mais la Cour et la Ville
Ont bien ri. Cette engeance est envieuse et vile,
Siffle les malheureux, applaudit au succès ;
J’étais trompé, j’avais donc perdu mon procès.
Pourtant, bientôt après, j’eus une autre maîtresse ;
Mais nous logions encore à deux dans sa tendresse.
L’autre était un poète. Il lui tournait des vers,
L’appelait fleur, étoile, astre de l’univers,
Et je ne sais quels noms. Je provoquai le drôle ;
C’était un bel esprit, il resta dans son rôle ;
Trop lâche pour se battre, il fit un plat sonnet…
Et l’on en rit encor, me traitant de benêt.
La leçon, cette fois, mit un terme à mes doutes,
Je cessai d’en voir une, et je les aimai toutes.
Or je pris pour devise un dicton très ancien :
« Bien fol est qui s’y fie » — et je m’en trouvai bien.

la marquise.

Mais, autrefois, quand vous déclariez votre flamme,
Et soupiriez aux pieds de quelque belle dame,
L’enveloppant d’amour, de respects et de soins,
Parliez-vous ainsi ?

le comte.

Parliez-vous ainsi ?Non ; mais avouez du moins,