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Jacques de Randol.

Vous ne l’avez pas revu ?

Madame de Sallus.

Oui, plusieurs fois ;… mais quelques instants, chaque fois, seulement.

Jacques de Randol.

Que vous a-t-il dit ?

Madame de Sallus.

Presque rien. Il ricane ou il demande avec insolence : « Êtes-vous moins farouche, aujourd’hui ? » Enfin, hier soir, à table, il a apporté un petit livre qu’il s’est mis à lire pendant le dîner. Comme je ne voulais pas paraître gênée ou anxieuse, j’ai dit : « Vous prenez décidément envers moi des habitudes d’exquise courtoisie. » — Il sourit. — « Lesquelles ? — Vous choisissez, pour lire, les instants où nous sommes ensemble. » Il répondit : « Mon Dieu, c’est votre faute, puisque vous ne me permettez pas autre chose. Ce petit livre est d’ailleurs fort intéressant : il s’appelle le Code ! Voulez-vous me permettre de vous en faire connaître quelques articles qui vous plairont certainement ? » — Alors il m’a lu la loi, tout ce qui concerne le mariage, les devoirs de la femme et les droits du mari ; puis il m’a regardée, bien en face, en demandant : « Avez-vous compris ? » — J’ai répondu sur le même ton : « Oui, trop : je viens de comprendre enfin quelle espèce d’homme j’ai épousé ! » Puis je suis sortie, et je ne l’ai plus revu.