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M. de Sallus.

Je serais déplorablement ridicule si je donnais de l’argent à ma femme ; ridicule et imbécile.

Madame de Sallus.

Il est bien plus bête, quand on a une femme, une femme comme moi, d’aller payer des cocottes.

M. de Sallus.

Je le confesse. Cependant si je vous ai épousée, ce n’est pas pour me ruiner avec vous.

Madame de Sallus.

Permettez. Quand vous portez de l’argent, votre argent qui est aussi mon argent par conséquent, chez une drôlesse, vous commettez une action plus que douteuse : vous me ruinez, moi, en même temps que vous vous ruinez, puisque vous employez ce mot. J’ai eu la délicatesse de ne pas vous demander plus que la drôlesse en question. Or, les cinq mille francs que vous allez me donner resteront dans votre maison, dans votre ménage. C’est une grosse économie que vous faites. Et puis, je vous connais, jamais vous n’aimerez tout à fait ce qui est droit et légitime ; or, en payant cher, très cher, car je vous demanderai peut-être de l’augmentation, ce que vous avez le droit de prendre, vous trouverez notre… liaison beaucoup plus savoureuse… Maintenant, Monsieur, bonsoir, je vais me coucher.

M. de Sallus, d’un air insolent.

Voulez-vous un chèque ou des billets de banque ?