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sommes nées, nous autres ? Regardez-moi donc. Suis-je faite pour le cloître ? Puisque j’ai épousé un homme, c’est que je ne me destinais pas au cloître, n’est-ce pas ? Cet homme, qui m’a prise, me rejette et court à d’autres… Lesquelles ! Moi je ne suis pas de celles qui partagent. Tant pis pour vous, tant pis pour vous. Je suis libre. Vous n’avez pas le droit de m’adresser un conseil. Je suis libre !

M. de Sallus.

Ma chère, calmez-vous. Vous vous méprenez complètement. Je ne vous ai jamais soupçonnée. J’ai pour vous une profonde estime et une profonde amitié ; une amitié qui grandit chaque jour. Je ne peux pas revenir sur ce passé que vous me reprochez si cruellement. Je suis peut-être un peu trop… comment dirais-je ?

Madame de Sallus.

Dites Régence. Je connais ce plaidoyer pour excuser toutes les faiblesses et toutes les fredaines. Ah oui ! le dix-huitième siècle ! le siècle élégant ! Que de grâce, quelle délicieuse fantaisie, que de caprices adorables ! C’est une rengaine, mon cher.

M. de Sallus.

Non, vous vous méprenez encore. Je suis, j’étais surtout, trop… trop Parisien, trop habitué à la vie du soir, en me mariant, habitué aux coulisses, au cercle, à mille choses… on ne peut pas rompre tout de suite… il faut du temps. Et puis, le mariage nous change trop, trop vite. Il faut s’y accoutu-