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PETITPRÉ.

Eh ! ma pauvre Clarisse, si tu avais su le comprendre, tu l’aurais tenu si bien, ton mari !


MADAME DE RONCHARD, se levant.

Qu’est-ce que tu appelles le comprendre ? Pardonner, vivre avec ce coureur, rentrant on ne sait d’où ? Je préfère encore ma vie brisée et ma solitude... avec vous !


PETITPRÉ.

Tu avais raison sans doute à ton point de vue d’épouse, mais il existe d’autres points de vue peut-être moins égoïstes et certainement supérieurs, comme celui de la famille.


MADAME DE RONCHARD.

De la famille ? Tu dis que j’ai eu tort au point de vue de la famille, toi, un magistrat ?


PETITPRÉ.

Ça m’a rendu très prudent, d’avoir été magistrat, d’avoir vu passer sous mes yeux tant de situations équivoques ou terribles qui, mettant ma conscience à la torture, m’ont donné de cruelles heures d’indécision. L’homme est souvent si peu responsable, les circonstances sont tellement puissantes, l’impénétrable nature est si capricieuse, les instincts sont si mystérieux, qu’il faut être tolérant et même indulgent devant les fautes qui ne ressemblent pas à des crimes et qui ne prouvent rien de scélérat ni de vicieux dans un être.