Page:Maupassant - Sur l’Eau (édition Marpon et Flammarion), 1888.pdf/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
SUR L’EAU

de tomber dans le plus hideux matérialisme. »

Ainsi, se réunir en troupeaux de quatre cent mille hommes, marcher jour et nuit sans repos, ne penser à rien ni rien étudier, ne rien apprendre, ne rien lire, n’être utile à personne, pourrir de saleté, coucher dans la fange, vivre comme brutes dans un hébétement continu, piller les villes, brûler les villages, ruiner les peuples, puis rencontrer une autre agglomération de viande humaine, se ruer dessus, faire des lacs de sang, des plaines de chair pilée mêlée à la terre boueuse et rougie, des monceaux de cadavres, avoir les bras ou les jambes emportés, la cervelle écrabouillée sans profit pour personne, et crever au coin d’un champ tandis que vos vieux parents, votre femme et vos enfants meurent de faim ; voilà ce qu’on appelle ne pas tomber dans le plus hideux matérialisme !

Les hommes de guerre sont les fléaux du monde. Nous luttons contre la nature,