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SUR L’EAU

pins. La fumée monte en flocons blancs, pareils à des nuées de coton qui s’évaporent, et on voit courir le long de la mer les culottes rouges des soldats.

Alors, les officiers de marine, intéressés soudain, braquent leurs lunettes vers la terre et leur cœur s’anime devant ce simulacre de guerre.

Quand je songe seulement à ce mot, la guerre, il me vient un effarement comme si l’on me parlait de sorcellerie, d’inquisition, d’une chose lointaine, finie, abominable, monstrueuse, contre nature.

Quand on parle d’anthropophages, nous sourions avec orgueil en proclamant notre supériorité sur ces sauvages. Quels sont les sauvages, les vrais sauvages ? Ceux qui se battent pour manger les vaincus ou ceux qui se battent pour tuer, rien que pour tuer ?

Les petits lignards qui courent là-bas sont destinés à la mort comme les troupeaux de moutons que pousse un boucher sur les routes. Ils iront tomber dans une