Page:Maupassant - Sur l’Eau (édition Marpon et Flammarion), 1888.pdf/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
SUR L’EAU

Et tous ceux qui sont couchés là avaient seize ans, dix-huit ans, vingt ans.

De tombe en tombe, on va, lisant les noms de ces êtres tués si jeunes, par l’inguérissable mal. C’est un cimetière d’enfants, un cimetière pareil à ces bals blancs où ne sont point admis les gens mariés.

De ce cimetière la vue s’étend, à gauche, sur l’Italie, jusqu’à la pointe où Bordighera allonge dans la mer ses maisons blanches ; à droite, jusqu’au cap Martin, qui trempe dans l’eau ses flancs feuillus.

Partout, d’ailleurs, le long de cet adorable rivage, nous sommes chez la Mort. Mais elle est discrète, voilée, pleine de savoir-vivre et de pudeurs, bien élevée enfin. Jamais on ne la voit face à face, bien qu’elle vous frôle à tout moment.

On dirait même qu’on ne meurt point en ce pays, car tout est complice de la fraude où se complaît cette souveraine. Mais comme on la sent, comme on la flaire, comme on entrevoit parfois le