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SUR L’EAU

guerite, jusqu’au port que domine la vieille ville.

Les femmes jeunes et sveltes, — il est de bon goût d’être maigre, — vêtues à l’anglaise, vont d’un pas rapide, escortées par de jeunes hommes alertes en tenue de lawn-tennis. Mais de temps en temps, on rencontre un pauvre être décharné qui se traîne d’un pas accablé, appuyé au bras d’une mère, d’un frère ou d’une sœur. Ils toussent et halètent ces misérables, enveloppés de châles malgré la chaleur, et nous regardent passer avec des yeux profonds, désespérés et méchants.

Ils souffrent, ils meurent, car ce pays ravissant et tiède, c’est aussi l’hôpital du monde et le cimetière fleuri de l’Europe aristocrate.

L’affreux mal qui ne pardonne guère et qu’on nomme aujourd’hui la tuberculose, le mal qui ronge, brûle et détruit par milliers les hommes, semble avoir choisi cette côte pour y achever ses victimes.

Comme de tous les coins du monde on