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SUR L’EAU

Là-bas, tout là-bas, au bout de l’horizon une ligne d’un bleu noir s’allonge sur l’eau. Ce n’est rien, une nuance, une ombre imperceptible, c’est lui. Maintenant nous l’attendons, immobiles, sous la chaleur du soleil.

Je regarde l’heure, huit heures, et je dis :

— Bigre, il est tôt, pour le vent d’ouest.

— Il soufflera dur, après-midi, répond Bernard.

Je lève les yeux sur la voile plate, molle, morte. Son triangle éclatant semble monter jusqu’au ciel, car nous avons hissé sur la misaine la grande flèche de beau temps dont la vergue dépasse de deux mètres le sommet du mât. Plus un mouvement : on se croirait sur la terre. Le baromètre baisse toujours. Cependant la ligne sombre aperçue au loin, s’approche. L’éclat métallique de l’eau terni soudain se transforme en une teinte ardoisée. Le ciel est pur, sans nuage.