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SUR L’EAU

une demi-heure. Je le dis à Bernard qui sourit et murmure :

— Il sent le vent d’ouest, monsieur.

C’est fait, ma curiosité s’éveille, cette curiosité particulière aux voyageurs de la mer, qui fait qu’on voit tout, qu’on observe tout, qu’on se passionne pour la moindre chose. Ma lunette ne quitte plus mes yeux, je regarde à l’horizon la couleur de l’eau. Elle demeure toujours claire, vernie, luisante. S’il y a du vent, il est loin encore.

Quel personnage, le vent, pour les marins ! On en parle comme d’un homme, d’un souverain tout-puissant, tantôt terrible et tantôt bienveillant. C’est de lui qu’on s’entretient le plus, le long des jours, c’est à lui qu’on pense sans cesse, le long des jours et des nuits. Vous ne le connaissez point, gens de la terre ! Nous autres nous le connaissons plus que notre père ou que notre mère, cet invisible, ce terrible, ce capricieux, ce sournois, ce traître, ce féroce. Nous