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SUR L’EAU

nes et puissantes vivant en paix dans un petit État, exemple bien fait pour effacer le souvenir des Capulets et des Montaigus. Ici, la maison souveraine et là la maison de jeux, l’ancienne et la nouvelle société fraternisant au bruit de l’or.

Autant les salons du prince sont d’un accès difficile, autant ceux du Casino sont ouverts aux étrangers.

Je me rends à ces derniers.

Un bruit d’argent, continu comme celui des flots, un bruit profond, léger, redoutable, emplit l’oreille dès l’entrée, puis emplit l’âme, remue le cœur, trouble l’esprit, affole la pensée. Partout on l’entend, ce bruit qui chante, qui crie, qui appelle, qui tente, qui déchire.

Autour des tables, un peuple affreux de joueurs, l’écume des continents et des sociétés, mêlée avec des princes, ou rois futurs, des femmes du monde, des bourgeois, des usuriers, des filles fourbues, un mélange, unique sur la terre, d’hommes de toutes les races, de toutes