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SUR L’EAU

vite et, dont le troupeau illimité court, sans pâtre et sans chien, sous le ciel infini.

Bernard me dit :

— C’est tout juste si nous gagnerons Antibes.

En effet, les coups de mer arrivent, brisant sur nous, avec un bruit violent, inexprimable. Les rafales brusques nous bousculent, nous jettent dans les trous béants d’où nous sortons en nous redressant avec des secousses terribles.

Le pic est amené, mais le gui à chaque oscillation du yacht touche les vagues, semble prêt à arracher le mât qui va s’envoler avec sa voile, nous laissant seuls, flottant, perdus sur l’eau furieuse.

Bernard crie :

— Le canot, monsieur.

Je me retourne. Une vague monstrueuse l’emplit, le roule, l’enveloppe dans sa bave comme si elle le dévorait, et brisant l’amarre qui l’attache à nous, le garde, à moitié coulé, noyé, proie con-