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SUR L’EAU

comme un bouchon dans cette houle profonde.

Quiconque n’a pas vu cette mer du large, cette mer de montagnes qui vont d’une course rapide et pesante, séparées par des vallées qui se déplacent de seconde en seconde, comblées et reformées sans cesse, ne devine pas, ne soupçonne pas la force mystérieuse, redoutable, terrifiante et superbe des flots.

Notre petit canot nous suivait loin derrière nous, au bout d’une amarre de quarante mètres, dans ce chaos liquide et dansant. Nous le perdions de vue à tout moment, puis soudain il reparaissait au sommet d’une vague, nageant comme un gros oiseau blanc.

Voici Cannes, là-bas, au fond de son golfe, Saint-Honorat, avec sa tour debout dans les flots, devant nous le cap d’Antibes.

La brise fraîchit peu à peu, et sur la crête des vagues les moutons apparaissent, ces moutons neigeux qui vont si