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SUR L’EAU

C’est par elles et pour elles que le Français a appris à causer, et avoir de l’esprit toujours.

Causer, qu’est-cela ? Mystère ! C’est l’art de ne jamais paraître ennuyeux, de savoir tout dire avec intérêt, de plaire avec n’importe quoi, de séduire avec rien du tout.

Comment définir ce vif effleurement des choses par les mots, ce jeu de raquette avec des paroles souples, cette espèce de sourire léger des idées que doit être la causerie.

Seul au monde, le Français a de l’esprit et seul il le goûte et le comprend.

Il a l’esprit qui passe et l’esprit qui reste, l’esprit des rues et l’esprit des livres.

Ce qui demeure, c’est l’esprit, dans le sens large du mot, ce grand souffle ironique ou gai répandu sur notre peuple depuis qu’il pense et qu’il parle ; c’est la verve terrible de Montaigne et de Rabelais, l’ironie de Voltaire de Beaumar-