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SUR L’EAU

sur eux, sur leur vie, car nous la voulons réglée selon la nôtre, sur leurs pensées, car nous les réclamons de même ordre que les nôtres, sur leurs opinions ; car nous ne les tolérons pas différentes des nôtres, sur leur réputation, car nous l’exigeons selon nos principes, sur leurs mœurs, car nous nous indignons quand elles ne sont pas soumises à notre morale.

Je déjeunai au bout d’une longue table, dans l’hôtel du Bailli de Suffren, et je continuais à lire mes lettres et mes journaux, quand je fus distrait par les propos bruyants d’une demi-douzaine d’hommes assis à l’autre extrémité.

C’étaient des commis voyageurs. Ils parlèrent de tout avec conviction, avec autorité, avec blague, avec dédain, et ils me donnèrent nettement la sensation de ce qu’est l’âme française, c’est-à-dire la moyenne de l’intelligence, de la raison, de la logique et de l’esprit en France. Un d’eux, un grand à tignasse rousse, por-