Page:Maupassant - Sur l’Eau (édition Marpon et Flammarion), 1888.pdf/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
SUR L’EAU

veille, toute leur âme dans une âme de rencontre dont le visage leur a plu. Et, de cette hâte à s’unir, naissent tant de méprises, de surprises, d’erreurs et de drames.

Ainsi que nous restons seuls, malgré tous nos efforts, de même nous restons libres malgré toutes les étreintes.

Personne, jamais, n’appartient à personne. On se prête, malgré soi, à ce jeu coquet ou passionné de la possession, mais on ne se donne jamais. L’homme, exaspéré par ce besoin d’être le maître de quelqu’un, a institué la tyrannie, l’esclavage et le mariage. Il peut tuer, torturer, emprisonner, mais la volonté humaine lui échappe toujours, même quand elle a consenti quelques instants à se soumettre.

Est-ce que les mères possèdent leurs enfants ? Est-ce que le petit être à peine sorti du ventre ne se met pas à crier pour dire ce qu’il veut, pour annoncer son isolement et affirmer son indépendance ?