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SUR L’EAU

Ils ont fait des études, ils savent le droit ; ils sont peut-être bacheliers.

Comme je l’aime, cette dédicace de Jules Vallès :

« À tous ceux qui, nourris de grec et de latin, sont morts de faim. »

Sait-on ce qu’ils gagnent, ces crève-misère ? De huit cents à quinze cents francs par an !

Employés des noires études, employés des grands ministères, vous devez lire chaque matin sur la porte de la sinistre prison la célèbre phrase du Dante :

« Laissez toute espérance, vous qui entrez ! »

On pénètre là, pour la première fois, à vingt ans pour y rester jusqu’à soixante et plus, et pendant cette longue période rien ne se passe. L’existence tout entière s’écoule dans le petit bureau sombre, toujours le même, tapissé de cartons verts. On y entre jeune, à l’heure des espoirs vigoureux. On en sort vieux, près de mourir. Toute cette moisson de sou-