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SUR L’EAU

abondante qui flotte sur les pays humides.

Des oiseaux aux grands pieds pendants s’élancent des roseaux, allongeant sur le ciel leur bec pointu ; d’autres, larges et lourds, passent d’une berge à l’autre d’un vol pesant ; d’autres encore, plus petits et rapides, fuient au ras du fleuve, lancés comme une pierre qui fait des ricochets. Les tourterelles, innombrables, roucoulent dans les cimes ou tournoient, vont d’un arbre à l’autre, semblent échanger des visites d’amour. On sent que partout autour de cette eau profonde, dans toute cette plaine jusqu’au pied des montagnes, il y a encore de l’eau, l’eau trompeuse endormie et vivante des marais, les grandes nappes claires où se mire le ciel, où glissent des nuages et d’où sortent des foules éparses de joncs bizarres, l’eau limpide et féconde où pourrit la vie, où fermente la mort, l’eau qui nourrit les fièvres et les miasmes, qui est en même temps une sève et un poison, qui s’étale,