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SUR L’EAU

l’air qui fouette et grise, l’air sifflant des galops furieux.

Et j’irais comme une flèche sur cette terre colorée qui enivre le regard, dont la vue est savoureuse comme un vin.

À l’heure calme du soir, j’irais, d’une course affolée, vers le large horizon que le soleil couchant teinte en rose. Tout devient rose, là-bas, au crépuscule : les montagnes brûlées, le sable, les vêtements des Arabes, les dromadaires, les chevaux et les tentes.

Les flamants roses s’envolent des marais sur le ciel rose ; et je pousserais des cris de délire, noyé dans la roseur illimitée du monde.

Je ne verrais plus, le long des trottoirs, assourdi par le bruit dur des fiacres sur les pavés, des hommes vêtus de noir, assis sur des chaises incommodes, boire l’absinthe en parlant d’affaires.

J’ignorerais le cours de la Bourse, les événements politiques, les changements de ministère, toutes les inutiles bêtises