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SUR L’EAU

Le père et le fils étaient morts au commencement de la semaine. La mère et la fille s’en allaient aussi maintenant.

Une voisine qui les soignait, se sentant soudain indisposée, avait pris la fuite la veille même, laissant ouverte la porte et les deux malades abandonnées sur leurs grabats de paille, sans rien à boire, seules, seules, râlant, suffoquant, agonisant, seules depuis vingt-quatre heures !

Le médecin venait de nettoyer la gorge de la mère et l’avait fait boire ; mais l’enfant, affolée par la douleur et par l’angoisse des suffocations, avait enfoncé et caché sa tête dans la paillasse sans consentir à se laisser toucher.

Le médecin, accoutumé à ces misères, répétait d’une voix triste et résignée :

— Je ne peux pourtant point passer mes journées chez mes malades. Cristi ! celles-là serrent le cœur. Quand on pense qu’elles sont restées vingt-quatre heures sans boire. Le vent chassait la pluie jusqu’à leurs couches. Toutes les poules