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SUR L’EAU

de ces actions instantanées qu’on fait parce qu’on doit les faire, sans savoir, sans réfléchir, sans comprendre, sans se rendre compte ensuite.

S’il souffre, il prend note de sa souffrance et la classe dans sa mémoire ; il se dit, en revenant du cimetière, où il a laissé celui ou celle qu’il aimait le plus au monde : « C’est singulier ce que j’ai ressenti ; c’était comme une ivresse douloureuse, etc… » Et alors il se rappelle tous les détails, les attitudes des voisins, les gestes faux, les fausses douleurs, les faux visages, et mille petites choses insignifiantes, des observations artistiques, le signe de croix d’une vieille qui tenait un enfant par la main, un rayon de lumière dans une fenêtre, un chien qui traversa le convoi, l’effet de la voiture funèbre sous les grands ifs du cimetière, la tête du croquemort et la contraction des traits, l’effort des quatre hommes qui descendaient la bière dans la fosse, mille choses enfin qu’un brave homme souf-