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SUR L’EAU

Elle me disait dans ce court murmure, toujours recommençant après les mornes silences de la nuit profonde, elle me disait tout ce que j’aurais aimé, tout ce que j’avais confusément désiré, attendu, rêvé, tout ce que j’aurais voulu voir, comprendre, savoir, goûter, tout ce que mon insatiable et pauvre et faible esprit avait effleuré d’un espoir inutile, tout ce vers quoi il avait tenté de s’envoler, sans pouvoir briser la chaîne d’ignorance qui le tenait.

Ah ! j’ai tout convoité sans jouir de rien. Il m’aurait fallu la vitalité d’une race entière, l’intelligence diverse éparpillée sur tous les êtres, toutes les facultés, toutes les forces, et mille existences en réserve, car je porte en moi tous les appétits et toutes les curiosités, et je suis réduit à tout regarder sans rien saisir.

Pourquoi donc cette souffrance de vivre alors que la plupart des hommes n’en éprouvent que la satisfaction ? Pourquoi