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SUR L’EAU

Par un soir de rendez-vous, l’on va tout doucement dans le chemin, serrant la taille de la bien-aimée, lui pressant la main et lui baisant la tempe. Elle est un peu lasse, un peu émue et marche d’un pas fatigué.

Un banc apparaît, sous les feuilles que mouille comme une onde calme la douce lumière.

Est-ce qu’ils n’éclatent pas dans notre esprit, dans notre cœur, ainsi qu’une chanson d’amour exquise, les deux vers charmants :


Et réveiller, pour s’asseoir à sa place,
Le clair de lune endormi sur le banc !


Peut-on voir le croissant dessiner, comme ce soir, dans un grand ciel ensemencé d’astres, son fin profil, sans songer à la fin de ce chef-d’œuvre de Victor Hugo qui s’appelle : Booz endormi :


Et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l’œil à demi sous ses voiles,
Quel Dieu, quel moissonneur de l’éternel été
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.