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SUR L’EAU

nous sommes enveloppés en cette vie, ont troublé nos yeux par toutes les images aperçues dans ses rayons, nous ont appris à comprendre de mille façons, avec notre sensibilité exaltée, le monotone et doux effet qu’elle promène autour du monde ?

Quand elle se lève derrière les arbres, quand elle verse sa lumière frissonnante sur un fleuve qui coule, quand elle tombe à travers les branches sur le sable des allées, quand elle monte solitaire dans le ciel noir et vide, quand elle s’abaisse vers la mer, allongeant sur la surface onduleuse et liquide une immense traînée de clarté, ne sommes-nous pas assaillis par tous les vers charmants qu’elle inspira aux grands rêveurs ?

Si nous allons, l’âme gaie, par la nuit, et si nous la voyons, toute ronde, ronde comme un œil jaune qui nous regarderait, perchée juste au-dessus d’un toit, l’immortelle ballade de Musset se met à chanter dans notre mémoire.