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SUR L’EAU

on ne pense plus, en rien, comme les autres hommes.

Certes, j’ai dû, ce soir, recevoir un coup de lune, car je me sens déraisonnable et délirant ; et le petit croissant qui descend vers la mer m’émeut, m’attendrit et me navre.

Qu’a-t-elle donc de si séduisant cette lune, vieil astre défunt, qui promène dans le ciel sa face jaune et sa triste lumière de trépassée pour nous troubler ainsi, nous autres que la pensée vagabonde agite.

L’aimons-nous parce qu’elle est morte ? comme dit le poète Haraucourt.


Puis ce fut l’âge blond des tiédeurs et des vents.
La lune se peupla de murmures vivants :
Elle eut des mers sans fond et des fleuves sans nombre,
Des troupeaux, des cités, des pleurs, des cris joyeux,
Elle eut l’amour ; elle eut ses arts, ses lois, ses dieux,
Et lentement rentra dans l’ombre.


L’aimons-nous parce que les poètes, à qui nous devons l’éternelle illusion dont