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SUR L’EAU

Puis, brusquement, j’eus honte de cette faiblesse, et ne voulant point m’avouer que j’étais un homme comme les autres, j’accusai le clair de lune de m’avoir troublé la raison.

J’ai toujours cru d’ailleurs que la lune exerce sur les cervelles humaines une influence mystérieuse.

Elle fait divaguer les poètes, les rend délicieux ou ridicules et produit, sur la tendresse des amoureux, l’effet de la bobine de Ruhmkorff sur les courants électriques. L’homme qui aime normalement sous le soleil, adore frénétiquement sous la lune.

Une femme jeune et charmante me soutint un jour, je ne sais plus à quel propos, que les coups de lune sont mille fois plus dangereux que les coups de soleil. On les attrape, disait-elle, sans s’en douter, en se promenant par les belles nuits, et on n’en guérit jamais ; on reste fou, non pas fou furieux, fou à enfermer, mais fou d’une folie spéciale, douce et continue ;