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profonde pour m’y rouler, pour y courir comme un cheval et l’eau limpide pour y nager comme un poisson. Je sens frémir en moi quelque chose de toutes les espèces d’animaux, de tous les instincts, de tous les désirs confus des créatures inférieures. J’aime la terre comme elles et non comme vous, les hommes, je l’aime sans l’admirer, sans la poétiser, sans m’exalter. J’aime d’un amour bestial et profond, méprisable et sacré, tout ce qui vit, tout ce qui pousse, tout ce qu’on voit, car tout cela, laissant calme mon esprit, trouble mes yeux et mon cœur, tout : les jours, les nuits, les fleuves, les mers, les tempêtes, les bois, les aurores, le regard et la chair des femmes.

La caresse de l’eau sur le sable des rives ou sur le granit des roches m’émeut et m’attendrit, et la joie qui m’envahit, quand je me sens poussé par le vent et porté par la vague, naît de ce que je me livre aux forces brutales et naturelles du monde, de ce que je retourne à la vie primitive.

Quand il fait beau comme aujourd’hui, j’ai