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les hommes, en s’efforçant sans y jamais parvenir, de leur donner l’aspect des vivants. On s’acharne ainsi, inutilement, pendant des années à imiter ce qui est ; et on arrive à peine, par cette copie immobile et muette des actes de la vie, à faire comprendre aux yeux exercés ce qu’on a voulu tenter.

Pourquoi ces efforts ? Pourquoi cette imitation vaine ? Pourquoi cette reproduction banale de choses si tristes par elles-mêmes ? Misère !

Les poètes font avec des mots ce que les peintres essayent avec des nuances. Pourquoi encore ?

Quand on a lu les quatre plus habiles, les quatre plus ingénieux, il est inutile d’en ouvrir un autre. Et on ne sait rien de plus. Ils ne peuvent, eux aussi, ces hommes, qu’imiter l’homme. Ils s’épuisent en un labeur stérile. Car l’homme ne changeant pas, leur art inutile est immuable. Depuis que s’agite notre courte pensée, l’homme est le même ; ses sentiments, ses croyances, ses sensations sont les mêmes, il n’a point avancé, il n’a point reculé, il n’a point remué. À quoi me