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ramasse les moindres paroles, les moindres actes, les moindres choses. Il emmagasine du matin au soir des observations de toute nature dont il fait des histoires à vendre, des histoires qui courent au bout du monde, qui seront lues, discutées, commentées par des milliers et des millions de personnes. Et ce qu’il y a de terrible, c’est qu’il fera ressemblant, le gredin, malgré lui, inconsciemment, parce qu’il voit juste et qu’il raconte ce qu’il a vu. Malgré ses efforts et ses ruses pour déguiser les personnages, on dira : « Avez-vous reconnu M. X… et Mme Y… ? Ils sont frappants. »

Certes, il est aussi dangereux pour les gens du monde de choyer et d’attirer les romanciers, qu’il le serait pour un marchand de farine d’élever des rats dans son magasin.

Et pourtant ils sont en faveur.

Donc quand une femme a jeté son dévolu sur l’écrivain qu’elle veut adopter, elle en fait le siège au moyen de compliments, d’attentions et de gâteries. Comme l’eau qui, goutte à goutte, perce le plus dur rocher, la louange tombe, à