Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plit, le roule, l’enveloppe dans sa bave comme si elle le dévorait, et brisant l’amarre qui l’attache à nous, le garde, à moitié coulé, noyé, proie conquise, vaincue, qu’elle va jeter aux rochers, là-bas sur le cap.

Les minutes semblent des heures. Rien à faire, il faut aller, il faut gagner la pointe devant nous, et, quand nous l’aurons doublée, nous serons à l’abri, sauvés.

Enfin, nous l’atteignons ! La mer à présent est calme, unie, protégée par la longue bande de roches et de terres qui forme le cap d’Antibes.

Le port est là, dont nous sommes partis depuis quelques jours à peine, bien que je croie être en route depuis des mois, et nous y entrons comme midi sonne.

Les matelots, revenus chez eux, sont radieux, quoique Bernard répète à tout moment :

— Ah ! Monsieur, notre pauvre petit canot, ça me fait gros cœur, de l’avoir vu périr comme ça.