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des écailles de sardines, et le long des murs du port le peuple boiteux et paralysé des vieux marins qui se chauffe au soleil sur les bancs de pierre. Ils parlent de temps en temps des navigations passées et de ceux qu’ils ont connus jadis, des grands-pères de ces gamins qui courent là-bas. Leurs visages et leurs mains sont ridés, tannés, brunis, séchés par les vents, les fatigues, les embruns, les chaleurs de l’équateur et les glaces des mers du Nord, car ils ont vu, en rôdant par les océans, les dessus et les dessous du monde, et l’envers de toutes les terres et de toutes les latitudes. Devant eux passe, calé sur une canne, l’ancien capitaine au long cours qui commanda les Trois-Sœurs, ou les Deux-Amis, ou la Marie-Louise, ou la Jeune-Clémentine.

Tous le saluent, à la façon des soldats qui répondent à l’appel, d’une litanie de « Bonjour, capitaine ! » modulés sur des tons différents.

On est là au pays de la mer, dans une brave petite cité salée et courageuse, qui se battit jadis contre les Sarrasins, contre le duc d’Anjou,