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ser soi-même après chaque joie et après chaque sanglot.

S’il cause, sa parole semble souvent médisante, uniquement parce que sa pensée est clairvoyante et qu’il désarticule tous les ressorts cachés des sentiments et des actions des autres.

S’il écrit, il ne peut s’abstenir de jeter en ses livres tout ce qu’il a vu, tout ce qu’il a compris, tout ce qu’il sait ; et cela sans exception pour les parents, les amis, mettant à nu, avec une impartialité cruelle, les cœurs de ceux qu’il aime ou qu’il a aimés, exagérant même, pour grossir l’effet, uniquement préoccupé de son œuvre et nullement de ses affections.

Et s’il aime, s’il aime une femme, il la dissèque comme un cadavre dans un hôpital. Tout ce qu’elle dit, ce qu’elle fait est instantanément pesé dans cette délicate balance de l’observation qu’il porte en lui, et classé à sa valeur documentaire. Qu’elle se jette à son cou dans un élan irréfléchi, il jugera le mouvement en raison de son opportunité, de sa justesse, de sa puissance dra-