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des sujets d’observation. Il analyse malgré tout, malgré lui, sans fin, les cœurs, les visages, les gestes, les intonations. Sitôt qu’il a vu, quoi qu’il ait vu, il lui faut le pourquoi. Il n’a pas un élan, pas un cri, pas un baiser qui soient francs, pas une de ces actions instantanées qu’on fait parce qu’on doit les faire, sans savoir, sans réfléchir, sans comprendre, sans se rendre compte ensuite.

S’il souffre, il prend note de sa souffrance et la classe dans sa mémoire ; il se dit, en revenant du cimetière où il a laissé celui ou celle qu’il aimait le plus au monde : « C’est singulier ce que j’ai ressenti ; c’était comme une ivresse douloureuse, etc… » Et alors il se rappelle tous les détails, les attitudes des voisins, les gestes faux, les fausses douleurs, les faux visages, et mille petites choses insignifiantes, des observations artistiques, le signe de croix d’une vieille qui tenait un enfant par la main, un rayon de lumière dans une fenêtre, un chien qui traversa le convoi, l’effet de la voiture funèbre sous les grands ifs