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avirons, je distinguais toujours leurs silhouettes sur le rivage, leurs ombres dressées côte à côte. Elles emplissaient la baie, la nuit, le ciel, tant l’amour s’exhalait d’elles, s’épandait par l’horizon, les faisait grandes et symboliques.

Et quand je fus remonté sur mon bateau, je demeurai longtemps assis sur le pont, plein de tristesse sans savoir pourquoi, plein de regrets sans savoir de quoi, ne pouvant me décider à descendre enfin dans ma chambre, comme si j’eusse voulu respirer plus longtemps un peu de cette tendresse répandue dans l’air, autour d’eux.

Tout à coup une des fenêtres de l’auberge s’éclairant, je vis dans la lumière leurs deux profils. Alors ma solitude m’accabla, et dans la tiédeur de cette nuit printanière, au bruit léger des vagues sur le sable, sous le fin croissant qui tombait dans la pleine mer, je sentis en mon cœur un tel désir d’aimer, que je faillis crier de détresse.

Puis, brusquement j’eus honte de cette faiblesse et ne voulant point m’avouer que j’étais un