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s’ouvre de nouveau, il tressaille comme s’il s’éveillait. C’est Bergerat, son « complice », rédacteur en chef de la Vie moderne, Bergerat lui-même, gendre du grand Théo. Or, aussitôt derrière lui son beau-frère, mince et blond, avec une figure de Christ, le charmant poète Catulle Mendès, séduisant toujours et souriant, prend les deux mains de Flaubert. Puis il va causer dans un coin, tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre, tandis que dans un autre coin, tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre, cause Bergerat, son beau-frère.

L’académicien Taine, les cheveux collés sur la tête, d’allure hésitante, le regard caché derrière ses lunettes à la façon des gens habitués à observer en dedans, à lire de l’histoire, à analyser dans les livres plutôt que dans l’humanité même, apporte une odeur d’archives remuées, de documents inédits qu’il vient de fouiller pour compléter son précieux travail sur la Société française ; et il déroule des anecdotes ignorées, il raconte de menus faits où tous les hommes de la Révolution, qu’on nous habitue à voir grands, sublimes, selon les uns, hideux, selon les autres, mais toujours grands, nous apparaissent avec toutes leurs faiblesses, leurs étroitesses d’esprit, leur insuffisance de vue, leurs travers mesquins et vils ; et il recompose les larges événements avec mille détails infimes comme avec des mosaïques on peut composer un décor qui produira beaucoup d’effet.

Voici le vieux camarade de Flaubert, Frédéric Baudry, membre de l’Institut,