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On naît propriétaire, on ne le devient pas. L’homme né dans les champs, dans un manoir, une villa ou une ferme, élevé sous les arbres d’un parc, d’un jardin ou d’une cour, trouve tout naturel de posséder une demeure à la campagne et de s’y retirer quand approche l’été. Mais le bourgeois citadin qui devient acquéreur d’un bien ne s’accoutume jamais à cette idée qu’il est le maître d’une maison avec de l’herbe autour, et il s’étonne indéfiniment, jusqu’à sa mort, que sa propriété soit à lui.

Ces deux races (le propriétaire de naissance et le propriétaire parvenu) se reconnaissent, se distinguent à un signe certain, infaillible, invariable. L’un vous reçoit à la campagne comme à la ville ; vous ne connaissez de sa demeure que le salon et la salle à manger ; mais l’autre fait visiter sa propriété. Il la fait visiter de la cave au grenier à tout le monde, au boulanger qui apporte le pain, au facteur qui apporte les lettres, aux gens qui passent sur la route et qui s’arrêtent, imprudents, devant la grille. Quant aux amis, hélas ! à chaque retour, ils la visitent et revisitent à perpétuité.