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gistrat savant, la bourra d’histoire et surtout de mémoires. Elle connut, presque enfant encore, par Saint-Simon et tous les laisseurs de documents précis, les pratiques secrètes des gouvernements ; et au lieu de rêver aux amoureux masqués qui enlèvent les demoiselles au clair de lune, elle imaginait de grandes complications européennes, des difficultés inextricables où s’empêtraient tous les ministres et qu’elle parvenait seule à débrouiller par la puissance et la subtilité de ses conseils donnés en secret à l’homme d’État qu’elle avait su distinguer, et qui, grâce à elle, devenait providentiel pour sa patrie.

Elle lisait, chaque matin, les journaux, songeait à la Prusse comme on songe au ténébreux ennemi, se préoccupait de l’Italie, surveillait l’Angleterre, avait l’œil sur l’Espagne et comptait avec la Russie.

Ayant épousé, par force, un fonctionnaire d’un esprit trouble et borné, elle vécut correctement à son côté sans qu’il soupçonnât jamais ses dedans.

Peu jolie, inaperçue, elle acquit cependant une influence considérable dans son