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ne pouvait ni les prévoir, ni les arrêter, ni les modifier, venues, semblait-il, d’une seconde âme indépendante et violente, le traversa : « Bah ! il est trop niais, il épousera la petite Rosémilly. »

Il s’était levé.

— Je te laisse rêver d’avenir ; moi, j’ai besoin de marcher.

Il serra la main de son frère, et reprit avec un accent très cordial :

— Eh bien, mon petit Jean, te voilà riche ! Je suis bien content de t’avoir rencontré tout seul ce soir, pour te dire combien cela me fait plaisir, combien je te félicite, et combien je t’aime.

Jean d’une nature douce et tendre, très ému, balbutiait :

— Merci… merci… mon bon Pierre, merci.

Et Pierre s’en retourna, de son pas lent, la canne sous le bras, les mains derrière le dos.

Lorsqu’il fut rentré dans la ville, il se demanda de nouveau ce qu’il ferait, mécontent de cette promenade écourtée ; d’avoir été privé de la mer par la présence de son frère.