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multiple, que reste-t-il à faire qui n’ait été fait, que reste-t-il à dire qui n’ait été dit ? Qui peut se vanter, parmi nous, d’avoir écrit une page, une phrase qui ne se trouve déjà, à peu près pareille, quelque part. Quand nous lisons, nous, si saturés d’écriture française que notre corps entier nous donne l’impression d’être une pâte faite avec des mots, trouvons-nous jamais une ligne, une pensée qui ne nous soit familière, dont nous n’ayons eu, au moins, le confus pressentiment ?

L’homme qui cherche seulement à amuser son public par des moyens déjà connus, écrit avec confiance, dans la candeur de sa médiocrité, des œuvres destinées à la foule ignorante et désœuvrée. Mais ceux sur qui pèsent tous les siècles de la littérature passée, ceux que rien ne satisfait, que tout dégoûte, parce qu’ils rêvent mieux, à qui tout semble défloré déjà, à qui leur œuvre