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Le vieux demeurait atterré, sentant crouler son dernier espoir, et il se révolta soudain contre cet homme qu’il avait suivi, qu’il aimait, en qui il avait eu tant de confiance, et qui l’abandonnait ainsi.

Il bredouilla :

— Mais vous n’allez pas me trahir à votre tour, vous ?

Pierre se sentait tellement attendri qu’il avait envie de l’embrasser :

— Mais je ne vous trahis pas. Je n’ai point trouvé à me caser ici et je pars comme médecin sur un paquebot transatlantique.

— Oh ! monsieur Pierre ! Vous m’aviez si bien promis de m’aider à vivre !

— Que voulez-vous ! Il faut que je vive moi-même. Je n’ai pas un sou de fortune.

Marowsko répétait :

— C’est mal, c’est mal, ce que vous faites. Je n’ai plus qu’à mourir de faim, moi. À mon âge, c’est fini. C’est mal. Vous abandonnez un pauvre vieux qui est venu pour vous suivre. C’est mal.