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pour conclure une longue et secrète pensée :

— C’est vilain, la vie ! Si on y trouve une fois un peu de douceur, on est coupable de s’y abandonner et on le paye bien cher plus tard.

Il dit, très bas :

— Ne parle plus de ça, maman.

— Est-ce possible ? j’y pense tout le temps.

— Tu oublieras.

Elle se tut encore, puis, avec un regret profond :

— Ah ! comme j’aurais pu être heureuse en épousant un autre homme !

À présent, elle s’exaspérait contre Roland, rejetant sur sa laideur, sur sa bêtise, sur sa gaucherie, sur la pesanteur de son esprit et l’aspect commun de sa personne toute la responsabilité de sa faute et de son malheur. C’était à cela, à la vulgarité de cet homme, qu’elle devait de l’avoir trompé, d’avoir désespéré un de ses fils et fait à l’autre la plus douloureuse confession dont pût saigner le cœur d’une mère.