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sons sans trouver rien qui pût le satisfaire.

Mais une idée soudaine l’assaillit : — Cette fortune qu’il avait reçue, un honnête homme la garderait-il ?

Il se répondit : « Non, » d’abord, et se décida à la donner aux pauvres. C’était dur, tant pis. Il vendrait son mobilier et travaillerait comme un autre, comme travaillent tous ceux qui débutent. Cette résolution virile et douloureuse fouettant son courage, il se leva et vint poser son front contre les vitres. Il avait été pauvre, il redeviendrait pauvre. Il n’en mourrait pas, après tout. Ses yeux regardaient le bec de gaz qui brûlait en face de lui de l’autre côté de la rue. Or, comme une femme attardée passait sur le trottoir, il songea brusquement à Mme  Rosémilly, et il reçut au cœur la secousse des émotions profondes nées en nous d’une pensée cruelle. Toutes les conséquences désespérantes de sa décision lui apparurent en même temps. Il devrait renoncer à épouser cette femme, renoncer au bonheur, renoncer à tout. Pouvait-il agir ainsi,