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veuve ». Mais tu as pris une drôle de manière pour m’annoncer ton mariage.

— Je te défends de plaisanter… tu entends… je te le défends.

Jean s’était approché, pâle, la voix tremblante, exaspéré de cette ironie poursuivant la femme qu’il aimait et qu’il avait choisie.

Mais Pierre soudain devint aussi furieux. Tout ce qui s’amassait en lui de colères impuissantes, de rancunes écrasées, de révoltes domptées depuis quelque temps et de désespoir silencieux, lui montant à la tête, l’étourdit comme un coup de sang.

— Tu oses ?… Tu oses ?… Et moi je t’ordonne de te taire, tu entends, je te l’ordonne.

Jean, surpris de cette violence, se tut quelques secondes, cherchant, dans ce trouble d’esprit où nous jette la fureur, la chose, la phrase, le mot, qui pourrait blesser son frère jusqu’au cœur.

Il reprit, en s’efforçant de se maîtriser pour bien frapper, de ralentir sa parole pour la rendre plus aiguë :