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peur de lui, et son fils avait peur d’elle et de lui-même, peur de sa cruauté qu’il ne maîtrisait point.

Ils s’assirent donc, l’un près de l’autre, sur le galet.

Et tous deux, sous la chaleur du soleil calmée par l’air marin, devant le vaste et doux horizon d’eau bleue moirée d’argent, pensaient en même temps : « Comme il aurait fait bon ici, autrefois. »

Elle n’osait point parler à Pierre, sachant bien qu’il répondrait une dureté ; et il n’osait pas parler à sa mère sachant aussi que, malgré lui, il le ferait avec violence.

Du bout de sa canne il tourmentait les galets ronds, les remuait et les battait. Elle, les yeux vagues, avait pris entre ses doigts trois ou quatre petits cailloux qu’elle faisait passer d’une main dans l’autre, d’un geste lent et machinal. Puis son regard indécis, qui errait devant elle, aperçut, au milieu des varechs, son fils Jean qui pêchait avec Mme Rosémilly. Alors elle les suivit, épiant leurs