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— Je n’en fais qu’une. Je vous aime.

Elle se redressa, et d’un ton sérieux :

— Voyons, qu’est-ce qui vous prend depuis dix minutes, avez-vous perdu la tête ?

— Non, je n’ai pas perdu la tête. Je vous aime, et j’ose, enfin, vous le dire.

Ils étaient debout maintenant dans la mare salée qui les mouillait jusqu’aux mollets, et les mains ruisselantes appuyées sur leurs filets, ils se regardaient au fond des yeux.

Elle reprit, d’un ton plaisant et contrarié :

— Que vous êtes malavisé de me parler de ça en ce moment. Ne pouviez-vous attendre un autre jour et ne pas me gâter ma pêche ?

Il murmura :

— Pardon, mais je ne pouvais plus me taire. Je vous aime depuis longtemps. Aujourd’hui vous m’avez grisé à me faire perdre la raison.

Alors, tout à coup, elle sembla en prendre son parti, se résigner à parler d’affaires et à renoncer aux plaisirs.