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ruses de tortionnaire, réveillait par un seul mot la douleur un instant calmée.

Et il souffrait autant qu’elle, lui ! Il souffrait affreusement de ne plus l’aimer, de ne plus la respecter et de la torturer. Quand il avait bien avivé la plaie saignante, ouverte par lui dans ce cœur de femme et de mère, quand il sentait combien elle était misérable et désespérée, il s’en allait seul, par la ville, si tenaillé par les remords, si meurtri par la pitié, si désolé de l’avoir ainsi broyée sous son mépris de fils, qu’il avait envie de se jeter à la mer, de se noyer pour en finir.

Oh ! comme il aurait voulu pardonner, maintenant ! mais il ne le pouvait point, étant incapable d’oublier. Si seulement il avait pu ne pas la faire souffrir ; mais il ne le pouvait pas non plus, souffrant toujours lui-même. Il rentrait aux heures des repas, plein de résolutions attendries, puis dès qu’il l’apercevait, dès qu’il voyait son œil, autrefois si droit et si franc, et fuyant à présent, craintif, éperdu, il frappait malgré lui, ne pouvant garder la