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lui demandait ce qu’était devenue cette miniature : « Je ne sais pas trop… peut-être que je l’ai dans mon secrétaire. »

Elle l’avait vue, touchée, maniée, contemplée quelques jours auparavant, puis elle l’avait recachée dans le tiroir secret, avec des lettres, ses lettres à lui.

Pierre regardait sa mère, qui avait menti ! Il la regardait avec une colère exaspérée de fils trompé, volé dans son affection sacrée, et avec une jalousie d’homme longtemps aveugle qui découvre enfin une trahison honteuse. S’il avait été le mari de cette femme, lui, son enfant, il l’aurait saisie par les poignets, par les épaules ou par les cheveux, et jetée à terre, frappée, meurtrie, écrasée ! Et il ne pouvait rien dire, rien faire, rien montrer, rien révéler. Il était son fils, il n’avait rien à venger, lui, on ne l’avait pas trompé.

Mais oui, elle l’avait trompé dans sa tendresse, trompé dans son pieux respect. Elle se devait à lui irréprochable, comme se doivent toutes les mères à leurs enfants. Si la fureur