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petite boutiquière, à la femme de ce bijoutier modeste. L’avait-il aimée ? Comment serait-il devenu l’ami de ces marchands s’il n’avait pas aimé la femme ? C’était un homme instruit, d’esprit assez fin. Que de fois il avait parlé poètes et poésie avec Pierre ! Il n’appréciait point les écrivains en artiste, mais en bourgeois qui vibre. Le docteur avait souvent souri de ces attendrissements, qu’il jugeait un peu niais. Aujourd’hui il comprenait que cet homme sentimental n’avait jamais pu, jamais, être l’ami de son père, de son père si positif, si terre à terre, si lourd, pour qui le mot « poésie » signifiait sottise.

Donc, ce Maréchal, jeune, libre, riche, prêt à toutes les tendresses, était entré, un jour, par hasard, dans une boutique, ayant remarqué peut-être la jolie marchande. Il avait acheté, était revenu, avait causé, de jour en jour plus familier, et payant par des acquisitions fréquentes le droit de s’asseoir dans cette maison, de sourire à la jeune femme et de serrer la main du mari.