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mais la terreur d’une chose épouvantable, la terreur de croire lui-même que Jean, que son frère était le fils de cet homme !

Non, il ne le croyait pas, il ne pouvait même se poser cette question criminelle ! Cependant il fallait que ce soupçon si léger, si invraisemblable, fût rejeté de lui, complètement, pour toujours. Il lui fallait la lumière, la certitude, il fallait dans son cœur la sécurité complète, car il n’aimait que sa mère au monde.

Et tout seul en errant par la nuit, il allait faire, dans ses souvenirs, dans sa raison, l’enquête minutieuse d’où résulterait l’éclatante vérité. Après cela ce serait fini, il n’y penserait plus, plus jamais. Il irait dormir.

Il songeait : « Voyons, examinons d’abord les faits ; puis je me rappellerai tout ce que je sais de lui, de son allure avec mon frère et avec moi, je chercherai toutes les causes qui ont pu motiver cette préférence… Il a vu naître Jean ? — oui, mais il me connaissait auparavant. — S’il avait aimé ma mère d’un amour muet et réservé, c’est moi qu’il aurait préféré puisque